Le travail comme expérience de la sérialité : tracer la souffrance au travail en Turquie

Abstract

Cet article vise à révéler les expériences particulières au travail, vécues comme des frustrations profondes et des souffrances par les individus mobilisés dans des « plateformes de résistance ». Il s’agit des expériences de sérialité vécues tout contrairement à la libre expression de la subjectivité et de l’autonomie individuelle qu’ils espèrent tirer du travail. L’article se focalise sur cette expérience contradictoire entre la mobilisation de la subjectivité au travail et l’expérience de sérialité des individus qui se manifeste plus particulièrement par des vécus de l’aliénation et de la non-reconnaissance au travail en tant que sujet. Ces expériences de sérialité constituent les raisons principales de la mobilisation. Celle-ci est née à la suite des licenciements d’un groupe d’ingénieurs d’IBM Turquie à Istanbul, juste au début de la crise de 2008 en raison de leur demande de syndicalisation contre la perte des droits sociaux. Ces licenciements étaient un choc pour les ingénieurs du monde de technologie informatique en Turquie, parce qu’ils constituaient une rupture dans leurs vies personnelle et professionnelle, une rupture entre le discours de subjectivation par un travail intellectuel et l’expérience de désubjectivation. Les ingénieurs licenciés ont fondé en 2008 une plateforme qui s’appelle « Plateforme Plaza-Action ». En 2013, deux autres plateformes se sont fondées : « Fuis et viens chez nous » et « Ouvriers en cols blancs ». Les plateformes sont composées par des travailleurs salariés et non salariés (free-lance, entrepreneurs classiques et personnes qui exercent une profession libérale mais ayant déjà eu une expérience de travail salarié) possédant divers professions et métiers, ainsi que par des chômeurs, et qui se sont mobilisés ensemble sous forme de réseaux sociaux…